LH31 - La LH des partiels des 2As

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La propulsion à détonation rotative

La propulsion à détonation rotative : une révolution pour la propulsion spatiale ?

Dans un précédent article, je vous ai présenté une tuyère qui permettrait, si réalisée correctement, de réduire les pertes énergétiques pour les fusées et donc d'augmenter leur efficacité. Mais ici, on se contente de limiter un problème. On peut donc se demander s'il existe des moyens d'augmenter directement l'efficacité des moteurs fusées. Et bien évidemment, la réponse est oui. Nous allons, dans ce voyage au cœur des moteurs fusées, voir à quel point les moteurs à détonation rotative sont révolutionnaires.

Nous nous intéresserons ici uniquement à la propulsion à ergols liquides, la propulsion à ergols solides étant très différente en termes de conception et de fonctionnement.

Mais comment fonctionne donc un moteur fusée classique ?

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L'idée est très simple : on le fait exploser... sauf que bon, cette explosion est contrôlée. En réalité, on fait brûler un carburant et un comburant dans une chambre de combustion.

Dans cette dernière, la pression dans la chambre de combustion augmente, et la tuyère effectue, comme vu dans un article précédant, une conversion pression-vitesse afin d'accélérer les gaz de combustion et, par action-réaction, propulser la fusée.

Ici, l'explosion est continue : dès que du gaz est consommé, du nouveau arrive pour le remplacer. Et surtout, le souffle induit par l'explosion est déflagrant, et c'est ici qu'il y a énormément de pertes.

Une déflagration est une explosion dans laquelle la combustion des gaz s'effectue à une vitesse subsonique. Pour donner une image, cela va généralement à la vitesse d'un coureur ; basiquement, c'est la flamme de la cuisinière. Or, ce phénomène, bien que nécessaire pour le contrôle de l'explosion, n'est pas extrêmement puissant.

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Un phénomène beaucoup plus puissant et bien plus avantageux est la détonation. Ici, le souffle et le front de flamme se déplacent à une vitesse supersonique, ce qui le rend beaucoup plus intéressant pour la propulsion spatiale car :

  • le souffle peut directement être exploité pour propulser la fusée
  • et les rendements sont bien meilleurs

Toutefois, physiquement, une détonation est bien plus difficile à contenir et ne peut se maintenir en continu, ce qui nuit grandement à l'efficacité du moteur sans une architecture adaptée.

🚀 Le moteur à détonation rotative

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Ce moteur se base sur un constat : s'il était possible d'avoir une détonation, voire plusieurs, en continu dans un état stable, le rendement serait extrêmement bon (5 à 15 % d'Isp supplémentaire).

Et la manière d'arriver à ce résultat est relativement simple :

  • Dans le cas où il y a du carburant/comburant que dans une seule direction, le front de flamme va nécessairement se diriger dans cette direction.

  • L'idée est donc d'avoir un anneau et d'ajouter le mélange explosif juste avant le passage du front de flamme, de manière à faire tourner ce dernier autour de l'anneau.

  • Il est même possible, théoriquement avec cette méthode, de faire coexister dans l'anneau plusieurs fronts de flammes, plusieurs détonations, de manière à démultiplier la poussée produite.


Toutefois, cette méthode présente aussi de nombreux problèmes qui expliquent que tous les moteurs de fusée n'en soient pas :

  • Premièrement, ils sont assez complexes à fabriquer, car il faut que la synchronisation soit correcte. Le cas échéant, la détonation n'est plus maintenue et la fusée s'arrête tout simplement d'être propulsée, ce qui n'est pas génial.

  • Deuxièmement, le moteur est soumis à de nombreuses contraintes à cause de la violence de la détonation qui fait vibrer et résonner le moteur, ce qui rend la stabilité de la détonation encore plus dure à assurer.

  • Troisièmement, les détonations créent des conditions de pression et de températures encore plus rudes que les moteurs "traditionnels", ce qui a longtemps empêché leur conception.

  • Enfin, il faut changer une grande partie de l'architecture de la fusée, car, par exemple, les tuyères conventionnelles ne sont pas adaptées à ce type de tâche.


L'état de l'art

Donc en théorie, ces moteurs sont idéaux, mais comme nous l'avons vu, ils sont complexes à réaliser.

Or aujourd'hui, les premières tentatives commencent à porter leurs fruits. Grâce à l'amélioration de la technologie, on a réussi, en tant qu'espèce, à stabiliser de tels moteurs pendant plusieurs minutes lors de tests au sol.

La dernière grande avancée en date remonte à 2022 et a été réalisée par la NASA en association avec l'entreprise In Space LLC. Ils ont réussi à allumer un moteur à détonation rotative de leur conception et à produire de la poussée stable pendant près de 10 minutes (sur plusieurs cycles).

Spécifications du moteur :

  • 4000 livres de poussée pendant près d'une minute
  • 622 psi (livres par pouce carré) de pression dans la chambre
  • Un record pour ce type d'architecture 🚀

Ce record a été rendu possible grâce :
- à l'impression 3D, une nouvelle fois
- et à un alliage créé par la NASA, extrêmement résistant : le GRCop-42, un alliage cuivre-chrome-niobium

Voici le lien d'une courte démonstration de leur test